Entretien avec le think tank Droite de demain, « La crise exige (…) une réponse massive et coordonnée »

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28 décembre 2020

Selon vous, le virus peut-il tuer l’Europe

Non et je dirais même au contraire. On ne peut pas nier qu’au début de cette crise, l’Union européenne a eu du retard à l’allumage. Mais depuis, elle s’est montrée à la hauteur. Plus important encore, cette crise a montré l’importance du collectif. Prenez par exemple le vaccin BioNTech-Pfizer : une chercheuse Hongroise est à la base de la recherche sur l’ARN messager, l’un des deux laboratoires est allemand, le budget européen a largement financé la recherche sur ce vaccin, une unité de production va être ouverte en Belgique et l’autorisation de mise sur le marché va être prononcé par l’Agence européenne des médicaments et la Commission européenne. Il faut savoir mettre en avant le savoir-faire européen lorsqu’il est là !

Comme toute crise, ce virus a mis en lumière nos forces et nos faiblesses. Les prochaines années devront être utilisées pour en tirer toutes les leçons. Mais l’une d’elle est bien que l’Union européenne est indispensable.

Au niveau monétaire, la zone euro peut-elle être menacée par le poids des dettes et des relances massives à coups de centaines de milliards d’euros d’endettement ?

Nous traversons le plus gros bouleversement depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. La crise liée à la COVID-19 exige une réponse massive et coordonnée.

Des mesures immédiates et proportionnées activant les outils déjà existants ont été prises et la Banque Centrale européenne a su réagir pour rassurer les marchés et renforcer la zone euro.

Toutefois, lors de la présentation du plan de relance européen, nous avons émis de nombreuses réserves au sein de notre délégation française Les Républicains au Parlement européen, quant au remboursement de cet emprunt qui débutera, je le rappelle, en 2028 jusqu’en 2058. Nous ne voulons surtout pas faire peser ce fardeau sur nos générations futures. Mais, je ne crois pas que la zone euro sera menacée.

À la suite des événements en Biélorussie ou aux agressions de la Turquie, quel regard portez-vous au lourd silence de la mésentente européenne sur la défense ?

Force est de constater que la diplomatie européenne est très faible et que lorsqu’il s’agit de faire preuve de fermeté, les intérêts étatiques s’affrontent. Pourtant, le principe de solidarité devrait être à la base de notre réponse. Avec la Turquie notamment, l’Union européenne s’est davantage illustrée comme médiateur entre la Grèce et Chypre – pays européens – et la Turquie, alors que nous aurions dû ne faire qu’un pour établir un vrai rapport de force.

La défense européenne n’en est qu’à ses balbutiements. Peut-être parce qu’à force de parler de concepts fumeux comme une « armée européenne » nous avons mis la charrue avant les bœufs.

Là où les Etats-Unis s’enferment de façon bipartisane dans cette attitude qui consiste à désigner la Chine comme responsable et coupable de tous les maux, d’après-vous n’est-il pas opportun pour l’Europe de reprendre une relation avec la Chine qui puisse rééquilibrer le monde et sa croissance ?

La Chine est un partenaire indispensable de l’Union européenne et nous faisons face à un certain nombre de défis communs comme, par exemple, la lutte contre le changement climatique. Mais, les relations entre l’Union européenne et la Chine ont évolué ces dernières années. Nous devons sortir de cette naïveté et de cette interdépendance économique élevée. L’Europe ne peut pas ouvrir son marché sans fin, alors que les autres puissances se protègent. Nous ne partageons pas les mêmes valeurs et la même approche du multilatéralisme.

Au Parlement européen, nous avons, à plusieurs reprises, alerté sur les violations des droits de l’Homme perpétrées par la Chine. Pas plus tard que lors de notre dernière session plénière, nous avons voté une résolution sur la situation des Ouïgours en Chine.

L’Union européenne doit renforcer son autonomie stratégique face aux puissances étrangères, dans les secteurs industriels, sanitaires mais aussi numérique. Il faut également réformer nos règles de concurrence pour permettre l’émergence de géants européens de l’industrie capables de s’imposer face aux Américains ou aux Chinois. C’est cette position que je défends au Parlement européen.

Concernant le Brexit, quel serait l’impact d’un no deal pour la France ?

Depuis le début des négociations sur les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, nous savions que ce ne serait pas une tâche facile de parvenir à un accord tant les points de blocage étaient profonds. Je l’ai répété à plusieurs reprises, nous n’accepterons pas un accord au rabais, conclu dans la hâte. La pêche n’est pas une variable d’ajustement.

Mais, soyons clairs, qu’il y ait un accord ou non, il y aura forcément des conséquences économiques pour la France et pour l’Union européenne. C’est pourquoi, l’Union européenne s’est préparée et a demandé aux entreprises, aux différents secteurs de se préparer à la possibilité d’un « no deal » pour amoindrir au maximum ces conséquences. Face aux incertitudes sur les négociations, nous avons d’ailleurs pris les devants et voté au Parlement européen, des mesures d’urgence et temporaires pour préserver le trafic aérien et le transport routier. Nous ne serons pas les grands perdants de ce Brexit.

Nous pouvons constater que partout, dans l’Union, les forces europhobes appartiennent aux extrêmes (droite et gauche), c’est-à-dire aux forces qui revendiquent un gouvernement autoritaire, que ce soit le RN ou LFI. La démocratie se dissout-elle dans l’europhobie ?

Paradoxalement, les europhobes, qu’ils appartiennent ou non aux extrêmes, reprochent justement souvent à l’Union européenne de dissoudre la démocratie et d’écraser la voix des peuples. Selon eux, l’Union européenne serait tenue par les technocrates non élus de Bruxelles qui imposeraient par le haut leurs décisions aux citoyens et seraient responsables de tous nos maux. Ils braderaient nos atouts et notre leadership dans la mondialisation, ils manqueraient de fermeté face aux chocs migratoires, ils ne prendraient pas la mesure des menaces sécuritaires. C’est en pointant ces défaillances européennes, que les extrêmes justifient le repli national. Mais je trouve qu’on a trop tendance à voir l’Europe comme un affrontement entre europhobes extrémistes et europhiles fédéralistes.

Il y a clairement une voix entre les deux, celle que défend, notamment, la droite française : celle d’une Europe puissante qui respecte et protège les identités des nations qui la composent et des citoyens qui la peuplent. Selon moi, la démocratie européenne peut ainsi sans mal se conjuguer aux démocraties souveraines que sont ses États membres. Le Parlement européen en est d’ailleurs l’un des garants : députés européens, nous représentons la voix des citoyens et nous avons acquis un réel pouvoir face au Conseil et à la Commission.

C’est cette vision équilibrée de l’Union européenne qui est pour moi le rempart le plus efficace contre les dérives autoritaires.

Quelle vision pour la droite de demain ?

La droite de demain c’est celle qui reste fidèle à ses valeurs cardinales mais ne craint pas d’aller sur de nouveaux terrains.

C’est la droite qui défend la sécurité, la cohésion nationale, l’idée d’une France forte en Europe et dans le Monde, le sérieux budgétaire et la modération fiscale, le soutien à l’activité économique.

Mais c’est aussi une droite qui, sans honte ni timidité, s’empare des sujets de son temps – dont certains partis voudraient faire leur pré carré – comme l’environnement, le développement durable, la solidarité, la réduction des fractures sociales et territoriales, la lutte contre les communautarismes. La droite n’a pas à rougir de s’intéresser à la France telle qu’elle est aujourd’hui. Elle est tout à fait légitime. Et cela ne veut pas dire qu’elle doit changer ses convictions, cela veut dire qu’elle doit développer des idées neuves pour s’adapter à un monde qui change.

Propos recueillis par André Missonnier