

Alors que nous peinions à nous rendre compte au quotidien de notre impact sur la planète et sa biodiversité, la crise du coronavirus a « offert » un aperçu inédit d’un monde à l’activité humaine réduite. Qui ne s’est étonné de la comparaison des images satellites avant et pendant le confinement et la baisse saisissante des émissions de gaz à effet de serre ? Qui ne s’est pas ému de la rapidité avec laquelle la biodiversité a repris sa place en regardant les multiples vidéos d’animaux sauvages se promenant dans les rues paisibles de nos villes ?
Toujours soucieux de trouver des côtés positifs aux temps sombres que nous traversons, nous nous disons peut-être que le coronavirus a apporté une période de répit inespérée à notre planète. Mais demain? Le réchauffement climatique et l’érosion massive de la biodiversité n’ont pas subitement disparu. La respiration que le confinement a accordé à notre planète sera de très courte durée si nous n’intégrons pas les considérations environnementales au « monde d’après ». Ne cédons pas à la petite musique qui circule selon laquelle il faudrait malheureusement sacrifier la transition écologique et la protection de la biodiversité sur l’autel de la relance économique. Comme si le combat contre le changement climatique et l’érosion des espèces était désormais celui d’un autre siècle, balayé par le coronavirus.
Il est en effet fort probable que ces phénomènes soient liés et que le COVID19, comme le furent Ebola, le HIV, le SARS, ou les grippes aviaire et porcine, soit l’une des illustrations les plus désastreuses de l’impact de l’Homme sur l’environnement. Si nous faisons le bilan de ces dernières années, voire seulement de ces derniers mois, les symptômes d’une nature malmenée sont légions : déclin des pollinisateurs, feux de forêts ravageurs et désormais pandémie dramatique. Tous ont l’Homme à leur origine que ce soit par les émissions carbone, l’agriculture intensive, la déforestation, le trafic et la consommation d’espèces sauvages, ou encore la densification urbaine déraisonnée. Selon le rapport de l’IPBES de 2019, les trois quarts de l’environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine. En détruisant notre biodiversité, c’est nous-même que nous avons mis en danger. Nous avons pavé le terrain à ce virus et certainement à beaucoup d’autres.
Il est grand temps de réagir. Et quelle meilleure opportunité qu’une sortie de crise pour opérer des changements profonds de paradigme?
2020 devait être l’année de la biodiversité. De grands rendez-vous nationaux, européens et internationaux devaient aboutir à des cadre ambitieux, efficaces et contraignants pour lutter contre l’érosion des espèces. Leur report est évidemment naturel dans le contexte actuel, mais ne perdons pas de vue l’objectif.
Après une crise sanitaire comme celle que nous vivons, les plans de relance ne peuvent faire l’impasse sur la santé des écosystèmes naturels. La reprise économique sera d’autant plus solide si elle mise sur une planète saine.
Au niveau européen, la nouvelle stratégie pour la biodiversité 2030, dont la Commission européenne doit présenter une première mouture mercredi 21 mai, sera ainsi déterminante. Il s’agit de frapper fort et sans tabou. Si la réponse passe d’abord par une augmentation de nos zones protégées, qu’elles soient marines ou terrestres, cette mesure ne pourra pas être l’alpha et l’oméga de ce que nous devrons mettre en place. D’autant que, bien malheureusement, lorsque l’on met en place une zone protégée, nous considérons souvent qu’en dehors tout est permis, même les pratiques les plus ineptes. Il faut donc aller beaucoup plus loin. La crise du COVID19 a par exemple tristement démontré la nécessité de renforcer drastiquement la réglementation du commerce d’espèces exotiques, vecteur privilégié de zoonoses dangereuses pour l’Homme et désastre pour la faune sauvage.
La biodiversité devra surtout être l’une des priorités des États et des collectivités territoriales. C’est eux qui devront mettre en œuvre concrètement les objectifs internationaux et la stratégie européenne. Par exemple, pour les Etats côtiers, il faudra augmenter le nombre de zones maritimes protégées ou encore soutenir la pêche artisanale plutôt que les pratiques intensives. Dans les zones de montagnes, la valorisation d’un pastoralisme favorable à la biodiversité mais pourtant délaissé devrait être intensifiée. Les forêts primaires de chaque Etat devront également être préservées et la gestion durable des forêts encouragée. Dans les villes, enfin, il faudra des plans pour mettre fin à la surdensification, l’artificialisation croissante des sols et la disparition des zones humides.
Sans une prise de conscience rapide, la crise du COVID19 ne sera certainement qu’une répétition générale pour les crises sanitaires et environnementales qui nous attendent. Ce jour-là, il sera impossible de dire comme nous le faisons aujourd’hui que nous n’étions pas suffisamment préparés car nous n’avions pas vu venir ce drame. Un drame dont on comptera bien plus de morts que ceux que nous pleurons aujourd’hui.