
Gabriel NEDELEC
12 février 2020
Les lignes bougent au Parlement européen. Pour la première fois, les députés se sont mis d’accord pour que figurent, au sein de leur rapport annuel sur l’activité de la Banque centrale européenne (BCE), pas moins de cinq compromis en rapport avec le climat, sur les 46 qui seront soumis au vote ce mercredi. Jusqu’à présent, les amendements de ce type étaient bloqués par une partie des élus du fait de la nature du mandat de la BCE, qui, selon le traité de Maastricht, consiste à assurer la stabilité des prix de la zone euro. Par comparaison, le rapport sur l’année 2017 comportait 56 points, mais aucun sur le climat. Mario Draghi a d’ailleurs toujours refusé d’élargir son mandat aux enjeux climatiques. Christine Lagarde – qui débattait face aux députés européens réunis à Strasbourg mardi – affirme pour sa part que le risque climatique est un risque pour la stabilité du système financier.
Dans le détail, les eurodéputés soulignent notamment que la BCE, en tant qu’institution de l’Union, « est liée par l’Accord de Paris sur le changement climatique et que cela devrait se refléter dans ses politiques ». Le Parlement européen note également la volonté de Christine Lagarde d’oeuvrer à un verdissement « progressif » des actifs de la BCE tout en rappelant que 62,1 % de ses achats d’obligations visent des secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre. Enfin, ils proposent d’ouvrir la voie à une coordination avec la Banque européenne d’investissement qui cherche à devenir la « banque du climat ».
Consensus
« C’est la première fois qu’il y a un tel consensus politique concernant le rôle que doit avoir la BCE sur le climat », souligne Stanislas Jourdan, à la tête de l’ONG Positive Money Europe, spécialisée sur les questions de politique monétaire, qui ajoute que, jusqu’à présent, « les amendements allant en ce sens étaient torpillés par le parti de la droite européenne, le PPE ».
« Il ne s’agit pas d’un changement de position du PPE, mais plutôt une prise en compte plus importante du contexte actuel et de l’effort commun », se défend l’eurodéputée Agnès Evren, rapporteure du texte pour le parti de droite. « Christine Lagarde s’est elle-même prononcée pour l’élimination progressive des actifs carbone du portefeuille de la BCE et pour un verdissement du système financier, tout en respectant le mandat de la banque centrale », insiste l’élue.
Pour l’eurodéputé vert Philippe Lamberts, cette évolution est également le signe de « l’effet Von der Leyen [la nouvelle présidente de la Commission, NDLR] ». Selon lui, le Pacte vert valide auprès des chefs de parti l’idée selon laquelle il est aujourd’hui possible d’introduire la question du climat jusque dans l’action de la BCE. « Mais une hirondelle n’a jamais fait le printemps, tempère-t-il. Dans nos discussions concernant le semestre européen [le système de coordination des politiques économiques et budgétaires européen NDLR], le PPE se bat contre toute référence au Pacte vert. »